Côte d’Ivoire Numérique 2030 : Ibrahim Kalil Konaté présente une stratégie ambitieuse à VivaTech

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À l’occasion de VivaTech 2025 à Paris, Ibrahim Kalil Konaté, Ministre de la Transition Numérique et de la Digitalisation, a dévoilé une feuille de route ambitieuse visant à positionner la Côte d’Ivoire comme un hub numérique régional d’ici 2030. Structurée autour d’une stratégie nationale en sept piliers, cette vision entend accélérer la transformation digitale du pays, renforcer l’inclusion numérique, et impulser une dynamique économique durable, au service de tous les citoyens et acteurs économiques ivoiriens.

Age Numérique : Quelle est votre vision pour la transition numérique de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2030 ?

Ibrahim Kalil Konaté :
Notre vision est portée par la Stratégie Nationale de Développement du Numérique qui vise à soutenir la croissance économique, améliorer la qualité des services publics, accroître la compétitivité des entreprises, offrir de nouvelles perspectives socio-économiques à nos populations, et accélérer aussi l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD).


Comment positionnez-vous le pays comme un hub numérique régional ?

Effectivement notre ambition est de positionner la Côte d’Ivoire comme un hub numérique régional. Pour ce faire, la transition numérique que nous menons en Côte d’Ivoire est structurée autour d’une vision ambitieuse et d’une stratégie multisectorielle, mobilisant d’importants investissements, mais aussi avec une forte volonté politique.
Cette volonté politique vise à moderniser notre Administration, stimuler l’innovation, ce qui explique notre présence ici à VIVATECH avec plusieurs Startups ivoiriennes. Mais pour parvenir à un véritable hub numérique régional, nous travaillons aussi sur le renforcement de la cybersécurité, avec la création récente de l’ANSSI et son opérationnalisation en cours, et nous mettons un accent particuliers sur le développement des compétences numériques afin de garantir une inclusion numérique pour tous nos concitoyens et toutes les populations vivant sur notre territoire national.


Initiatives clés

Pouvez-vous détailler les grandes lignes de la Stratégie Nationale du Numérique (SNCI 2025) ?

Notre Stratégie nationale du numérique repose sur sept piliers fondamentaux qui sont :
1- Les infrastructures numériques, à travers le déploiement massif de la fibre optique (5 207 km déployés par l’Etat), la création de Data centers dont un Data center national (projet est en cours), et surtout l’amélioration de la connectivité notamment dans les zones rurales avec l’un de nos grands projets en cours, le PNCR qui est le Programme National de Connectivité Rurale qui vise à connecter d’ici la fin de l’année 2025, environ 500 localités encore situées en zones blanches.
 
2 – Les services numériques, c’est-à-dire la digitalisation des services publics, le développement de l’administration électronique (e-GOUV), l’interopérabilité des systèmes et la simplification des démarches administratives pour nos populations et les entreprises travaillant en Côte d’Ivoire.
 
3 -Les services financiers numériques. Ce 3ème pilier de notre Stratégie vise à faire la promotion de l’inclusion financière à travers des solutions de paiement et d’accès aux services bancaires dématérialisés.
 
4 – Les compétences numériques qui portent sur le renforcement des capacités, la formation des jeunes et des femmes aux métiers du numérique, et le développement de programmes d’alphabétisation digitale.
 
5 – L’environnement des affaires. Il s’agit ici d’améliorer le cadre réglementaire, en soutien à l’innovation et à l’entrepreneuriat, notamment via la loi sur les start-ups (la Startup Act adoptée en 2023) et la création de fonds d’innovation. La loi sur les Startups offre de nombreux avantages fiscaux et douaniers, ainsi que des accompagnements au profit des porteurs de projets numériques, depuis la phase de création jusqu’à la phase de développement.
 
6 – L’innovation : C’est un soutien à la recherche, à l’adoption des technologies émergentes (IA, blockchain, 5G), et aussi un soutien à la création de laboratoires d’innovation comme nous sommes en train de l’initier dans le domaine de l’IA.
 
7 – La cybersécurité et la confiance numérique : ce pilier revêt une importance capitale en ce sens qu’il consiste en la mise en place d’une infrastructure de sécurité robuste, la création d’un centre des opérations de sécurité, et la promotion de la souveraineté numérique. A cet effet, l’ANSSI qui est l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information, a été créée comme je l’ai déjà dit, en 2024 et est en cours d’opérationnalisation.
 
Quel impact espérez-vous du Projet d’Appui au Renforcement de l’Administration Électronique (PARAE) ?


L’impact attendu du PARAE peut se décliner en plusieurs axes :
L’amélioration de la gouvernance : en rendant les services publics plus transparents, rapides et accessibles, le PARAE vise à renforcer la confiance des citoyens dans l’administration et à lutter contre la corruption administrative.
La réduction des coûts et des délais : la digitalisation doit permettre de simplifier les procédures administratives, réduisant ainsi les coûts et les délais pour les individus, les entreprises et l’Administration elle-même (centrale, déconcentrée et locale).
Le renforcement des infrastructures digitales : Notamment le réseau national haut débit (RNHD), pour garantir une meilleure connectivité et une meilleure performance des services numériques.
La transformation des usages et la conduite du changement : au-delà des infrastructures, le PARAE inclut des actions pour accompagner la transformation des habitudes administratives et promouvoir une meilleure adoption des services numériques par les usagers.
Le renforcement de la cybersécurité et l’accès aux données : le PARAE vise aussi à sécuriser les systèmes d’information et à améliorer l’accès aux données pour les citoyens et les entreprises, favorisant ainsi une administration plus performante et inclusive.
La contribution à la compétitivité économique : en facilitant les interactions entre l’Administration, les entreprises et les citoyens, le PARAE soutient la transformation numérique comme levier de développement économique et de compétitivité nationale.

État actuel et perspectives économiques

Comment l’économie ivoirienne soutient-elle cette transition numérique, compte tenu d’une croissance attendue de 6,5 % pour 2025 ?

La vision du Président Alassane Ouattara est de faire de l’économie numérique un secteur transversal, moteur de la dynamique économique et de la création d’emplois. Ainsi le MTND met en œuvre des politiques pour intégrer les technologies numériques dans tous les secteurs économiques, favorisant ainsi une transformation structurelle de l’économie ivoirienne.
Je peux donc affirmer que la Côte d’Ivoire soutient sa transition numérique par des investissements publics conséquents, des projets innovants ciblant l’inclusion numérique et la formation, ainsi que par le développement d’infrastructures numériques, contribuant ainsi à une croissance économique robuste prévue effectivement à 6,5 % en 2025.
Quels rôles jouent les nouveaux secteurs émergents comme le pétrole (Calao) et l’or (Tanda) dans cette dynamique ?
Il est évident que ces secteurs émergents jouent un rôle important dans la diversification économique, la création d’emplois et la génération de revenus d’exportation.
L’or en particulier contribue à dynamiser les économies locales et nationales, en particulier dans les régions où les ressources minières sont exploitées, favorisant ainsi le développement des infrastructures et des services.


Investissements et financement :
Comment le gouvernement envisage-t-il de maintenir un haut niveau d’investissement (23,7 % du PIB) tout en maîtrisant la dette publique (environ 59,3 % du PIB) ?
Ce qui est à retenir, c’est que le Gouvernement combine une politique d’économies budgétaires ciblées, un effort fiscal temporaire sur les grandes entreprises, et un maintien des investissements prioritaires pour concilier un haut niveau d’investissement public avec la maîtrise progressive de la dette publique.

III. Écosystème des startups ivoiriennes

Quel bilan tirez-vous de l’évolution récente de l’écosystème des startups ivoiriennes, qui compte aujourd’hui environ 300 startups ?


L’écosystème des startups ivoiriennes a connu ces dernières années une dynamique très encourageante. On dénombre aujourd’hui près de 300 startups numériques actives, avec une diversification des secteurs couverts : fintech, healthtech, edtech, agritech, et plus récemment IA. Cette montée en puissance est le fruit d’une volonté politique forte, traduite par l’adoption de la Startup Act en 2023, la structuration d’un accompagnement public et l’organisation d’événements de visibilité à l’échelle internationale, comme notre présence ici à VivaTech.


Mesures et accompagnements

Quels dispositifs d’accompagnement concrets avez-vous mis en place, notamment avec la loi Startup Act ?


Nous avons structuré notre action autour du Programme d’Accompagnement et de Développement des Startups (PADS), un dispositif stratégique qui repose sur cinq grands axes complémentaires et cohérents :
1. Législation
La loi n°2023-901 du 23 novembre 2023, dite Startup Act, constitue un jalon historique pour la Côte d’Ivoire. Elle offre un cadre juridique et fiscal incitatif pour encourager la création et la croissance de startups innovantes. Nous avons installé en 2025 le Comité de labellisation, qui permet de certifier les startups éligibles à ces avantages, garantissant transparence et équité.
2. Financement
Deux instruments financiers essentiels sont prévus :
Le programme Startup Boost Capital, qui a déjà été initié par le partenariat avec le CI20 et le Ministère de la Jeunesse, pour le financement en amorçage et post-amorçage.
Le FINAD (Fonds pour l’Innovation Numérique et l’Accélération Digitale), en cours de création qui sera dédié à l’appui aux projets innovants à fort impact économique et social.
3. Formation
L’axe formation s’appuie notamment sur le Hub Ivoire Tech, qui abritera entre autres des initiatives de montée en compétences pour les porteurs de projets. Des programmes de formation spécialisés en intelligence artificielle seront également déployés dans la Cité de l’Innovation et de la Culture en partenariat avec des experts nationaux et internationaux, afin de bâtir un vivier de talents numériques.
4. Mise en relation
Nous allons développer une Plateforme Digitale de l’Écosystème, baptisée Ivoire Tech Platform, qui permettra la labellisation en ligne, la cartographie des startups, l’intermédiation avec les acteurs publics et privés. En parallèle, des Afterworks thématiques sont régulièrement organisés pour créer du lien entre investisseurs, institutions et jeunes pousses.
5. Promotion
La visibilité de nos startups est une priorité. Nous avons :
Envoyé 10 startups ivoiriennes en immersion en Silicon Valley,
10 autres au Japon pour un voyage d’échange technologique,
Et 20 startups sont aujourd’hui à Paris à VivaTech 2025.
Nous préparons également l’Ivoire Tech Forum (juillet 2025), un événement phare à Abidjan qui positionnera notre pays comme un hub régional de l’innovation.
Comment fonctionnent concrètement le CI20 et les programmes Boost Capital, CI20 Connect, et le Hub Ivoire Tech ?
Le CI20 est un collectif de startups technologiques à fort potentiel qui joue un rôle de catalyseur. Il fédère les jeunes entreprises autour de projets structurants et d’une stratégie commune.
CI20 Connect facilite le dialogue entre les startups et les grandes entreprises ivoiriennes pour booster les synergies commerciales et technologiques.
Boost Capital est un programme de financement, appuyé notamment par le Ministère de la Jeunesse et des partenaires privés, qui permettra un accès facilité au capital d’amorçage.
Le Hub Ivoire Tech, lancé en 2025, structure notre écosystème autour de l’accompagnement, de la formation et de la mise en réseau. C’est notre Campus Startups jouant le rôle d’ancrage pour notre écosystème.

Internationalisation

Quelle importance accordez-vous à la participation ivoirienne à des événements comme VivaTech, en termes d’ouverture à l’international pour vos startups ?

Notre participation à VivaTech revêt une importance stratégique d’où notre 3e participation. C’est une vitrine de l’innovation mondiale, et c’est aussi l’opportunité de connecter nos startups à des investisseurs, à des partenaires technologiques et à des marchés étrangers. Après une deuxième participation remarquée l’an dernier, nous avons renforcé notre présence avec une délégation plus large et diversifiée cette année. Nous voulons positionner la Côte d’Ivoire non seulement comme un vivier de talents, mais aussi comme un hub d’innovation pour l’Afrique de l’Ouest.

IV. Focus sur les startups présentes à VivaTech

Pouvez-vous nous présenter brièvement quelques startups qui vous accompagnent aujourd’hui à Paris, notamment dans les domaines HealTech, Fintech et Cleantech ?


La délégation ivoirienne présente à VivaTech 2025 reflète la diversité et la montée en gamme de notre écosystème technologique. Dans les secteurs HealTech, Fintech et Cleantech, plusieurs pépites se distinguent :
HealTech
EnvoyX s’attaque au problème critique du délais de remboursement des compagnies d’assurance dans le secteur de la santé. Sa solution permet d’accélérer le traitement des demandes de remboursement et de garantir aux prestataires de soins un paiement rapide, améliorant ainsi la qualité des services offerts aux patients.
Yodan innove dans le champ de la santé mentale au travail. Elle propose des outils de diagnostic et de suivi de bien-être psychologique pour les salariés, un enjeu crucial pour la productivité et l’engagement en entreprise.
Fintech
Waribei facilite les paiements interbancaires et entre grossistes et détaillants. Une solution clé pour fluidifier les chaînes d’approvisionnement en Afrique francophone.
Push se positionne comme un levier d’inclusion financière pour les populations rurales, en développant des produits adaptés aux besoins spécifiques de ces communautés.
Cleantech
Digital Smart Trash développe une solution intelligente de gestion des déchets urbains, avec des fonctionnalités d’optimisation des itinéraires de collecte, de prévision des volumes et de recommandation d’implantation des bacs à déchets. C’est une réponse directe à nos défis environnementaux et urbains.
Ces startups illustrent l’ambition ivoirienne de bâtir un écosystème d’innovation technologique inclusif, durable et tourné vers les besoins concrets des populations.
( Poegnan / Sellarts / Trenderz)



Quels sont les exemples de réussite que vous souhaitez particulièrement mettre en avant à cette occasion ? (ex. Africharger, HopMed, Babimo, etc.)
Plusieurs startups ivoiriennes présentes à VivaTech 2025 incarnent l’excellence, l’innovation et l’impact social que nous souhaitons promouvoir à l’échelle continentale et mondiale. En voici 3 en particulier :
Africharger
C’est l’un de nos champions de la MobilityTech verte. Africharger développe des solutions de recharge électrique adaptées au contexte africain. Son ambition : accélérer la transition vers une mobilité propre. Cette startup symbolise à la fois notre volonté d’innover dans les énergies renouvelables et notre engagement pour un développement durable.
HopMed
HopMed s’illustre dans la santé digitale. En combinant accessibilité, information et technologie, cette plateforme permet à tous les citoyens d’avoir accès, via leur smartphone, à des services de santé, des médecins et des conseils médicaux en temps réel. Un outil particulièrement pertinent dans les zones sous-médicalisées.
Babimo
Dans le domaine de la Fintech, Babimo facilite les transactions financières pour les entreprises de toute taille en Afrique de l’Ouest. Elle participe activement à l’inclusion financière et à la transformation numérique des PME, deux leviers clés pour notre croissance économique régionale.
(Blok)

Enjeux, défis et perspectives d’avenir

Quels sont les défis majeurs auxquels la Côte d’Ivoire doit encore faire face pour accélérer cette transition numérique ?
Il y a encore plusieurs défis majeurs à relever pour accélérer la transition numérique dans notre pays. L’on peut citer par exemple :
L’insuffisance des infrastructures numériques
La multiplicité de centres de données (Data centers) sectoriels non convergents et une absence d’interopérabilité entre les systèmes d’informations
L’insuffisance de compétences numériques
Les menaces de cybersécurité
Le coût élevé d’accès aux solutions technologiques avancées, notamment pour les petites et moyennes entreprises
Le financement des projets numériques, notamment dans les zones rurales
 
Objectifs et résultats attendus

Comment mesurez-vous le succès de votre politique numérique à court et moyen terme ? Quels indicateurs clés utilisez-vous ?

Il est essentiel de s’appuyer sur des indicateurs clés de performance (KPI) adaptés à nos objectifs stratégiques. Ces indicateurs permettront non seulement d’évaluer l’efficacité des initiatives engagées, mais aussi d’ajuster notre stratégie en temps réel pour maximiser l’impact attendu.
Il s’agit donc pour nous d’observer trois dispositions :
Définir des objectifs clairs et mesurables dès le lancement de chaque projet numérique.
Aligner les KPI sur les priorités stratégiques du MTND pour garantir la cohérence et la pertinence des mesures.
Mettre en place un suivi régulier pour ajuster la stratégie en fonction des résultats obtenus. Ce travail sera mené par notre bureau de veille qui a été mis en place.

Message clé et perspectives


Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté internationale et aux investisseurs présents à VivaTech ?

Notre message est simple et résolument tourné vers l’action : la Côte d’Ivoire est prête, ouverte et engagée pour bâtir un hub technologique africain de premier plan. Nous avons aujourd’hui, un cadre législatif moderne avec la Startup Act, un écosystème dynamique structuré à travers le PADS et le Hub Ivoire Tech, des startups innovantes, agiles et capables de répondre à des problématiques concrètes sur notre continent et une vision claire, alignée avec notre Stratégie Nationale du Numérique et de l’Intelligence Artificielle.
Aux investisseurs et partenaires internationaux présents ici à VivaTech, j’adresse une invitation directe : venez découvrir les talents ivoiriens, venez investir, venez co-construire l’innovation de demain avec nous. L’Afrique et la Côte d’Ivoire offrent des opportunités concrètes, porteuses d’impact et de croissance partagée.
 
Quels sont vos prochains grands objectifs pour l’écosystème numérique ivoirien ?

Étendre la couverture réseau sur l’ensemble du territoire, y compris les zones rurales, afin de réduire la fracture numérique et garantir à chaque citoyen un accès équitable à l’internet rapide.
Poursuivre la transformation de l’Administration par l’e-GOUV, assurer l’interopérabilité des systèmes, dématérialiser les services publics pour améliorer l’expérience citoyenne et l’efficacité administrative.
Renforcer la formation aux métiers du numérique.
Créer et animer des pôles d’innovation (Cité de l’Innovation et de la Culture), stimuler l’écosystème des startups, encourager la recherche appliquée et l’adoption de technologies émergentes comme l’IA, la blockchain et l’IoT (Internet des objets).
Renforcer la cybersécurité et la confiance numérique par le biais de l’ANSSI.
Accélérer l’adoption des paiements numériques, soutenir les fintechs pour l’inclusion financière, et réduire la déperdition des recettes fiscales de l’Etat par la digitalisation des flux financiers.
 

Merci Monsieur le Ministre